Chapitre 45
Quand l’heure est venue…
Signe des temps, la Société des artistes décorateurs, en cette année 1939, a choisi la Rue pour thème de son exposition annuelle. Architectes, ingénieurs, urbanistes ont été invités à penser grand, imposant, pour les foules et les masses futures. La guerre et ses bombardements vont bientôt leur livrer des espaces à construire. Autre signe des temps : les artistes qui composent cette association, ont décidé de remplacer celui qui est à leur tête. Leur nouveau président, Louis Süe, se défend de désavouer ou de méconnaître le rôle primordial qu’a joué, trente années durant, « son éminent confrère » Paul Follot. Il explique cette « destitution » par une volonté commune « d’aller de l’avant » et de resserrer des liens avec la jeune création (notamment la FAC – Fédération des artistes créateurs), pour mieux répondre aux nouvelles réalités du marché. Un Salon des Lumières s’est d’ailleurs adjoint à cette exposition, comme pour rester dans le sillage de l’Exposition des Arts et des Techniques et montrer au monde qu’on a compris le rôle majeur que l’éclairage électrique va jouer dans le décor urbain. Ce n’est pas un hasard, si l’on a choisi la voie publique, pour thème. En Allemagne, c’est le Stade! (une énorme différence de points de vue; deux façons de concevoir l’individu dans la société, aujourd’hui encore antagonistes).
A défaut d’être présent sur le 29e Salon des artistes décorateurs, Paul Follot a eu une place d’honneur dans la manifestation qui s’est tenue juste en face, au Petit-Palais. Il a exposé avec le Groupe 35, un bel ensemble de meubles « pour un cabinet de travail d’un industriel », en acajou rosé de Cuba, avec socles, moulures et poignées en acier nickelé demi-mat, sur bois verni. La belle salle à colonnes de la Galerie Duthuit, sous la coupole en verrière, a également servi de cadre à un beau mobilier pour un boudoir, dont « la sobriété et l’élégance ont été fort appréciées des amateurs » (Fouqueray, ex. Le Journal – 19 janvier 1939). La critique a souligné, à cette occasion : « l’importance du talent (de son créateur) et sa personnalité visible dans la moindre de ses créations. » (Limagier, ex. L’Oeuvre – 14 janvier 1939). Ces manifestations artistiques se déroulent sur fond lointain d’échos de canons et de blindés. La guerre est là, inévitable, et les clients de Follot remettent déjà « à des lendemains meilleurs » les projets importants : comme l’aménagement de la salle de conseil de la Société des aluminiums français, rue Balzac. Le travail du décorateur s’y limitera à la vente de deux fauteuils, deux chaises et d’un guéridon à piètement métallique (AF à PF – 24 mai 1939). Le Ministère de la Marine, par contre, lui a passé des nouvelles commandes. En juillet, il a demandé au ministre l’autorisation de visiter les cabines et appartements du Richelieu, en cours d’installation sur les chantiers de Brest, afin d’en étudier la disposition, avant de remettre ses plans d’aménagement des cabines des officiers supérieurs, du cuirassé Jean-Bart, à son commanditaire, les Chantiers de la Loire.